Si le Christ revenait, nous le recrucifierions aussitôt. Si Socrate revenait, nous l'élirions à l'Académie -, écrit le penseur occidental le plus favorable à Socrate. C'est faux. Si Christ revenait, nous nous méfierions quand même un peu — vu son sillage de saints, par exemple... Si Socrate revenait, à coup sûr nous lui ferions son affaire, sans nul autre sursis que le temps de soupçonner vaguement ce qu'il nous veut... D'ailleurs, nous le tuons toujours préventivement en nous-mêmes... En effet, pourquoi est-ce que nous faisons de la politique, de la philosophie, de la philosophie politique, de l'idéologie, du militantisme, des bréviaires de l'agitateur ou des catéchismes du prince ?... Parce que cela va de soi ? Parce que c'est profondément humain ?... Non, et même au contraire. Parce qu'il y a deux mille ans nous avons tué Socrate, qui venait de nous inventer, nous, Hommes, et l'avons fui en ces choses... Pourquoi est-ce que celui qui ne peut plus vous répondre vous tue ? Pourquoi est-ce qu'on tient à savoir comme on tient à vivre ? Pourquoi toute opinion est-elle impérialiste ? Pourquoi persuader et convaincre sont-ils un début d'enfer, une amorce d'inquisition ? Pourquoi l'humanisme est-il en secret totalitaire... Parce que nous avons tué Socrate, et fait de petits hommes bien agencés à sa place...