Dans la vie sexuelle — et, partant, dans la vie tout court —, alors que nous croyons nous ébattre avec nos semblables, c'est toujours avec un corps monstrueux que nous essayons de copuler. C'est cela, le fantasme que la psychanalyse découvre par-delà les scénarios de nos envies : le projet de produire la jouissance d'un corps Autre — ni familier ni nécessairement familial —, sorte de Golem qu'animent les discours qui nous commandent. Difficile d'y renoncer, car nous y puisons jusqu'à notre raison d'être : d'être l'offrande faite à l'Autre dont la jouissance est poursuivie. C'est vrai pour tous ; bien que chacun module ce projet selon la singularité de son destin et qu'une clinique apparaisse possible, qui distingue les avatars névrotiques, pervers et psychotiques du fantasme. Telle est l'hypothèse que les cures ici rapportées illustrent, en montrant que, précisément, si une analyse aboutit, c'est par l'expérience qu'il n'y a pas d'Autre à faire jouir. C'est là un constat qui n'est pas drôle, mais qu'il est urgent d'entendre, car le goût du sacrifice à l'œuvre dans le fantasme soutient plus d'une servitude volontaire.