Pendant 2 ans, de 2003 à 2005, j’ai eu le privilège de proposer, à l’Ecole des Beaux Arts de Paris, l’UV littérature. En complément, pas mal de temps passé avec les étudiants, y compris pour les faire écrire. Toujours malheureux d’ailleurs que la direction de l’école n’ait pas compris l’urgence et le besoin de cette démarche : rien que pour cela, lire Jérémy Liron donne le chemin de crête.
J.L. n’a pas assisté à ces 2 ans d’atelier en petit groupe, et plusieurs sont devenus des amis, des travaux qui me sont proches, ou dont je suis à distance le chemin. Si j’ai littéralement percuté dans la peinture de Jérémy Liron, c’est probablement à cause d’un seul mot, la notion de présence.
Une présence évidemment liée à la ville, et évidemment tissée à même le quotidien. Un banal bâtiment de trois étages en béton, un carrefour de périphérie et voilà. Mais sans qu’on sache. A l’arrangement des signes, aux géométries.
Hopper nous a appris à venir là. Mais il y a tant de démarches qui recommencent Hopper, avec les yeux tout ronds devant le moindre pignon d’immeuble. Le risque que prenait Jérémy Liron, c’était de s’en prendre à cette peau même, là où plus rien ne peut conférer ce signe minimum, qui organise par exemple la toile chez Hopper.
La démarche de Jérémy n’est pas isolée. J’ai connu un Julien qui s’en allait dessiner en banlieue les différentes faces des carrefours et ronds-points, ou la totalité de leurs détails, que ses dessins ne recomposaient pas. Ou Nicolas Dion explorant avec photo et dessin le point exact où, vers Roissy, se dissolvait à son avis la ville. Ou Assaf Gruber, l’Israélien, cherchant à Tel Aviv, Berlin et New York le même arrangement simple de ciment, nous forçant à nous écarter de l’espace comme singularité.
Et pas plus que nous autres, côté plume, ne pouvons nous dispenser de l’image pour documenter le réel, eux ne peuvent se dispenser d’une pratique intentionnelle de la langue. Et ils l’agrandissent, cette langue, par leur précision de regard sur le réel, et leur techné dans la construction de ses représentations (je repense à l’instant à celui qui, pour son diplôme de fin d’étude, avait repris l’idée de Koltès d’un lieu clos suffisamment grand pour tenir l’humanité tout entière : gigantesque stade modèle réduit avec 6 milliards de places répertoriées).
Pour Jérémy Liron, il y deux autres dimensions.
La première tient à ce que, son diplôme acquis, il a voulu s’accrocher à sa discipline : ça semble facile, quand on se souvient des ateliers de peintre au 19ème siècle. La peinture exige qu’on s’y consacre en entier. Il y a l’équivalent pour l’écriture, d’ailleurs, et pour cela que je suis un peu interloqué de voir que les nouveaux arrivants dans la littérature, si souvent, désormais, gardent leur métier d’origine. Mais les locataires des immeubles que peint Jérémy ne lui achèteraient pas ses toiles, comme Hopper vendait aux bourgeois le tableau de leur villa. Alors, depuis 3 ans, le voilà itinérant, de Valenciennes à Montluçon. Logé précairement, avec des ateliers jeunes publics, il a bénéficié de plusieurs résidences : gloire et honneur à ces villes qui les accueillent, ces jeunes plasticiens, avec 500 euros par mois, une liste d’interventions scolaires et un deux pièces avec Butagaz.
La seconde tient à Internet. D’expo en expo, il grimpe, Liron, même si c’est aussi rude que les hivers à Montluçon. Mais, d’une expo à l’autre, c’est par le blog qu’on le suit au travers des jours. Le blog, c’est de l’écriture : et, le langage mis en réflexion du monde, ça s’appelle littérature.
Qu’est-ce que la littérature version Jérémy Liron ? Je ne sais pas. Ce que je vois, c’est le combat d’un regard et du réel. Et que là, dans cette tension, viennent les livres, viennent les mots.
Il y a assez, dans les 21 pages ci-dessus, pour que vous découvriez ce qui se joue dans ce journal. Si vous voulez lui mettre un mot, passez par son blog. Cette section de son journal fait 42 pages : on la télécharge pour le prix d’un café au comptoir. Offrez-le lui, ce café ? Un petit geste fraternel, ça ne fait pas de mal, dans les temps qui courent. Si j’ai proposé en lecture libre la presque moitié du texte, c’est pour la phrase qui conclut la page 21.
Pour découvrir le travail de Jérémy Liron : Les pas perdus, blog.
Ou dans les pages invités de tiers livre, avec images. Et mise en ligne simultanée avec ce texte, un autre ensemble du même journal Les pas perdus 2007.
Et si c’était là, chez eux, que la littérature se réinventait ?
Et si la leçon, c’était d’y lire le réel comme fiction – ou bien, que là était la fiction d’aujourd’hui : dans l’expérience même du réel, et ce qu’elle convoque d’imaginaire, ou bien là où elle nous renvoie...
Editeur : publie.net
Publication : 8 janvier 2009
Edition : 1ère édition
Intérieur : Noir & blanc
Support(s) : Livre numérique eBook [PDF + Mobi/Kindle + ePub + WEB]
Contenu(s) : PDF, Mobi/Kindle, ePub, WEB
Protection(s) : Marquage social (PDF), Aucune (Mobi/Kindle), Aucune (ePub), DRM (WEB)
Taille(s) : 260 ko (PDF), 892 ko (Mobi/Kindle), 408 ko (ePub), 1 octet (WEB)
Langue(s) : Français
Code(s) CLIL : 3643
EAN13 Livre numérique eBook [PDF + Mobi/Kindle + ePub + WEB] : 9782814501393