Ce roman sans complaisance, lucide, dur et cruel, foisonnant de vie et de passion, suit les caprices de la mémoire et n’est pas sans rappeler ces ondes concentriques qu’éveille un jet de pierre dans une eau morte. Un coup de téléphone, une réception, un dîner en tête à tête avec l’homme qu’elle aime font brusquement remonter à la mémoire de Fanny Cahen, l’héroïne, un flux de souvenirs. Par sa naissance, par sa race, par son physique ingrat, Fanny s’est toujours crue en marge. Depuis plus de vingt ans, elle aime – sans être payée de retour – Hugo Steiner et s’est résignée à n’être pour lui que “la parfaite amie”. Étrange liaison où rien n’arrive et où tout se détruit dans l’usure du temps, la dégradation des êtres et la dérive de la vie. Autour de Fanny, c’est toute une époque que fait revivre Gérard Nicaisse : l’avant-guerre, la débâcle, les persécutions raciales, la clandestinité, la Libération et ce qui a suivi... Autant de souvenirs amers qui sont pour elle le constat même de son échec sur tous les plans. Mais, ne nous y trompons pas, le véritable personnage de ce livre, c’est le Temps. En vérité, la vie de Fanny n’aura pas été, comme elle le croit, qu’un feu de paille ; au bout du compte, cette femme difficile et passionnante, en quête d’absolu, ne ferait-elle pas partie – sans qu’elle en ait conscience – de cette “opposition qui s’appelle la vie”, comme Balzac le disait de lui-même ?