À l’instar de la France, la Moselle célébrera - en 1984 - le 40e anniversaire de sa Libération, après la longue nuit où la défaite de juin 1940 l’avait remise à « l’heure allemande ». À quoi bon raviver, en cette fin de siècle déjà suffisamment chargée d’inquiétudes, le souvenir d’événements aussi lointains ? C’est qu’il imprègne encore la mémoire d’une bonne moitié de sa population, et qu’il ne saurait laisser indifférente l’autre, pour peu qu’elle se persuade de la nocivité de l’amnésie historique.Ce retour sur le passé, toutes générations confondues, permet donc de (re)faire le point, de rappeler quelques évidences qui s’estompent, d’arracher à l’oubli quelques arpents menacés. Non que beaucoup n’ait déjà été dit, décrit, expliqué. Mais quarante ou quarante-cinq ans après l’épreuve, ne sommes-nous pas à la croisée des chemins ?En effet, le temps de l’historicité chasse – irréversiblement - celui de la mémoire, inexorablement, le nombre des acteurs et des témoins (humbles et grands) s’amenuise, alors que s’entrouvrent plus largement les archives publiques. Il est, sans doute, grand temps de solliciter une fois encore les premiers, d’exhumer des témoignages inédits, avant que l’exploitation accrue de celles-ci n'impose d’inévitables effets de distanciation.S’inscrivant dans cette double perspective, le présent ouvrage réunit donc, à parts presque égales, des témoignages de nature variée, et des études sur divers moments ou aspects du drame mosellan, dans un incessant va-et-vient, aux effets complémentaires, entre expériences personnelles et destins collectifs, entre « tranches de vie » et « tranches d’Histoire ». Les aînés y verront à quel point la mémoire des archives confirme la leur propre. Quant aux jeunes lecteurs, ils y trouveront quelques clés, ouvrant sur une meilleure compréhension d’un passé encore proche.Après « Patrimoine et culture en Lorraine » (1980), « Urbanisme et architecture en Lorraine 1830-1930 » (1982), la Société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine et les éditions Serpenoise de Metz ont à nouveau uni leurs efforts, avec l’aide de la Commission nationale de l’information historique pour la Paix, pour explorer un autre territoire – essentiel – de la mémoire collective régionale.