Bérénice se posait la même question, un après-midi récent, alors qu’elle prenait un café avec Pouf, en attendant qu’Ilang eût fini son cours. Elle parlait à Pouf de sa dernière visite chez sa psychanalyste, une séance bimensuelle, décidée par ses parents dès son adolescence, à la suite de quelques troubles psychologiques, dont la plupart leur étaient au demeurant imputables — mais eux ne consultèrent pas — et qu’elle poursuivait maintenant, à la façon dont les enfants sur un manège finissent par s’obstiner à décrocher le pompon qui leur était indifférent quelques minutes plus tôt. « Je rêve souvent que je suis une petite fille au bras de ma maman, avait-elle raconté — songeuse — à un Pouf qui était dans la vie son confident favori. Je me promène dans la rue, en léchant un délicieux cornet de glace à la vanille, un double, spécifia-t-elle d’un air vaguement absent, quoique concentré, comme si elle visualisait la scène tout en la décrivant. Mais, au moment de croquer dans la gaufrette, voilà soudain que ma mère me retire le cornet, et m’administre une telle gifle qu’elle me met la joue en feu. Ma psy affirme que c’est une manifestation de honte infantile, consécutive à un désir phallique primaire, que j’aurais refoulé sous la pression d’un complexe d’Œdipe mal digéré, débita-t-elle sur un timbre soucieux. Qu’est-ce que tu en penses ? » Pouf lui jeta un regard de poisson rouge bullant dans son bocal : « Ça doit venir de son enfance. »