En 1978, j’ai publié — avec Paulo Filho — un texte ronéotypé sur Arthur Cravan. Il était, pour nous, l’exemple vivant de notre pratique de vie et de notre envie d’écrire. Depuis, Arthur Cravan est toujours porté disparu, et Paulo Filho s’est suicidé au Brésil. D’un coup, m’est revenu le désir de reprendre ce texte et de le publier sous une forme plus libre. Et pourquoi ? Parce que Arthur Cravan et Paulo Filho appartiennent à la famille des palmipèdes de la résistance. Êtres à mille facettes, ils ont touché à beaucoup de choses, ils ont épluché des mots, et ils se sont fait fendre la gueule : erreur des vers, coups de travers, ils ont encaissé en pleine tronche les effets des faits divers. Moi-même je m’y trouve ! Taillisien (vous ne saurez rien là-dessus) éthylo, je suis de la partie de boxe et de la répartie des mots. J’ai parcouru avec Paulo Filho un bout de chemin, et maintenant j’ai l’occasion de faire encore quelques pas. Arthur Cravan, “mauvais poète parce boxeur, et mauvais boxeur parce que poète”, me voilà en portrait. Paulo Filho, un fan d’Arthur Cravan, avait quitté le Brésil pour venir ici commettre des vols - la famille ne s’était aperçue de rien. Nous étions des avaleurs de mots et des assoiffés d’identité. Le suicide ne change rien ! L’Albatroz me fait continuer.