Rome, Constantinople, Moscou... Ces trois têtes d'empire ont partagé, un jour ou l'autre, le même rêve hégémonique : trôner au centre de la Chrétienté. Après cette Nouvelle Rome que fut Constantinople, le plus grand pays du monde manifesta l'ambition de voir sa capitale devenir la Troisième Rome, la dernière par conséquent - le chiffre trois symbolisant l'achèvement et la perfection. Depuis les écrits du moine Philothée jusqu'à la Pérestroïka de l'ère Gorbatchev, en passant par l'épopée des Vieux-Croyants (fidèles à l'idée d'une Troisième Rome après le grand schisme de l'Église russe, en 1666), sans oublier Dostoïevski et Soljénitsyne, c'est l'histoire de ce rêve en forme de destin que retrace Léon Poliakov dans un récit détaillé et incisif. Au-delà des particularismes du passé slave, il offre un essai sur la mémoire historique : à l'instar de la mémoire individuelle, cette dernière a ses intermittences et ses retours qui ne doivent rien au hasard mais tout à des circonstances déterminées. Prévoir et comprendre ces résurgences de l'histoire, savoir écouter et déchiffrer les rêves messianiques d'un peuple, n'est-ce pas déjà se prémunir contre leurs plus funestes conséquences ?