Une plongée précise et sensible dans le destin tragique des " boys bands " qui ont rythmé la culture pop des années 1990.
Il y a eu les Beatles pour les années 1960, les Rolling Stones durant la décennie suivante puis Prince et Michael Jackson qui ont régné sur les années 1980. Et dans les années 1990... Qu'on le veuille ou non, les boys bands faisaient la loi. À chaque concert, 2B3, Alliage ou G Squad déclenchaient des émeutes. Leurs ventes de disques s'envolaient dès la première heure, les radios passaient leurs chansons jusqu'à six fois par jour. Un succès colossal qui reposait sur une recette singulière et fragile : de beaux garçons, bons danseurs et mauvais chanteurs, animés par l'envie de réussir, de fuir leur milieu d'origine.
Avec Garçons perdus, Astrid Faguer revient sur ce phénomène qui a marqué la pop culture. Elle suit le parcours hors norme de ces jeunes hommes qui sont subitement passés de leur banlieue aux quartiers chics de Paris, de l'anonymat à une notoriété presque effrayante. Car l'histoire des boys bands a tout d'un roman balzacien. Un parcours le prouve mieux que les autres, celui de Filip Nikolic, le chanteur des 2B3. Il se rêve gymnaste à Longjumeau lorsqu'il croise, un jour, le grand avocat François Gibault dans un club de sports. Ce dernier organise des dîners en son honneur, lui présente tout Paris, l'emmène chez Lucette, la veuve de Louis-Ferdinand Céline... Longjumeau est désormais loin, le jeune chanteur fréquente les soirées mondaines du 8e arrondissement, devient ami avec Alain Delon, vit sous les hurlements constants de ses fans. Il mourra, en 2009, alcoolique, d'un arrêt cardiaque à l'âge de 35 ans.
L'auteure décrit, avec justesse, l'ascension et la chute de ces " boys " qui ont connu la gloire et ont payé sa rançon. En rencontrant de nombreux témoins, elle trace la trajectoire de ces stars éphémères, nous fait revivre leurs aspirations et leurs désillusions. Il y avait chez eux une soif de réussir étrange et déroutante car elle ne convoquait ni la rage, ni l'esprit de revanche. Cet état d'esprit, parfaitement décrit dans ces pages, ravive aussi l'atmosphère d'une époque, celle des années 1990, pré-réseaux sociaux, pré-smartphone, qui paraît aujourd'hui si lointaine.
Garçons perdus allie l'enquête journaliste à l'analyse pop avec, tout au long du livre, une finesse et un sens de la narration qui rend justice à cette étrange épopée.