École communale où, farouchement républicains, on défilait, béret basque sur l’œil, pour le quatorze juillet, en évitant de passer devant l’église ; école religieuse où, déguisés en martyrs, les yeux baissés, lys à la main, on cheminait de par la ville en chantant la gloire de Dieu ; cigogne scoute “toujours fidèle” et fignolant les nœuds de vache, voilà les étapes qu’une âme de bonne volonté devait franchir pour atteindre l’idéal de raison et de vertu tel que le concevaient les éducateurs et les parents des années folles ; idéal qui sombrerait vite dans un abîme de folie : la guerre. La guerre.... Cela voulait dire l’espion local, M. Werner, nageur émérite, traversant et retraversant la Manche, moulé dans un slip gris ; les alertes passées à se gaver de Petits-Beurre dans le placard aux balais, le carnaval des masques à gaz ; l’exode enfin, cette joyeuse équipée, recommencée en mai 1940, mais pour de bon cette fois. Quel amusement, quelle libération ce fut, pour une gamine raisonnable, d’accéder, plus tôt que prévu, à /a déraison collective !