Ce livre procède d'une interrogation sur ce qu'on peut nommer « objet-Lumières ». Comment retrouver un point de vue historique et critique effectif, face à une idéologie d'où n'ont cessé de surgir nos propres questionnements ? Est-il possible de l'élaborer comme objet de savoir, au lieu de parcourir - un peu à l'aventure - un domaine où on ne se trouve que trop en pays de « connaissances » ?Pour l'auteur, la question est de savoir comment briser les cercles, où l'idéologie des Lumières se contemple elle-même et se redit sans trêve, dans un langage qui n'a pas épuisé ses virtualités. Il faut trouver un moyen de combattre pour les Lumières, en dehors des illusions des Lumières.Une méthode pour cela, celle que propose l'auteur et qui, au lieu de s'enfermer dans la concentricité des Lumières, vise à opérer d'un point de vue excentrique, à partir de ces marges des Lumières qu'évoque son titre. Marges : ces lieux où les systèmes de pensée se produisent ou se défont — utopies et représentations de l'ailleurs confrontées à des discours historiques et politiques, anthropologies imaginaires ou réelles, cercles de la régulation institutionnelle des discours et, surtout, élaborations textuelles, qui remettent en cause - secrètement - l'ordre de ces discours, ou nous les montrent dans leur travail de production contradictoire.Peut-être le destin historique des Lumières touche-t-il à son terme ; mais peut-être est-il encore possible, à l'exemple de Diderot, d'être à la fois théoricien et « éclectiste », au sens très particulier qu'il donne à ce terme : être un « homme qui recueille et qui crible » et, au rebours de notre interprétation d'aujourd'hui, « ose penser de lui-même ».