Ici, tout le monde est bien d’accord pour éponger, jusqu’à la dernière goutte, les milliards de Mister Crockbin, chacun entend le faire pour son compte personnel, et selon des méthodes diverses, qui n’ont en commun qu’une absence totale de scrupules. C’est ici que la Sauvagine, paisible demeure rustique blottie dans un vallon du Jura, est successivement transformée en laboratoire clandestin, en blockhaus haché par les rafales de mitraillette, et en « saloon » où, comme au temps lointain du Far West, s’affrontent, toutes griffes dehors, Molly, la secrétaire « made in Hollywood », Ingeborg, la somptueuse et baragouinante suédoise, et Suzanne Secrêtin, la gentille campagnarde si bien pourvue par la nature des plus redoutables appâts. Les douaniers et les flics du voisinage, qui viennent mettre leurs chaussettes à clous dans ce pandemonium, n’y comprennent pas grand-chose. Et Jacques Dupont-Crockbin tremble pour son beau-père, qui affronte ces rusés Européens avec sa naïveté de vieux gosse du Texas. Il oublie que le vieux est (comme tous les milliardaires) une peau de vache, qui s’y connaît en entourloupettes, et qui distribue les coups bas aussi bien qu’un autre. Un vieux dur, qui saura parler le langage qui convient aux agents secrets de diverses nations venus à la Sauvagine, avec le fallacieux espoir de lui faucher l’herbe sous le pied.