Ce livre est né d’une grande admiration pour un homme que je n’ai pas connu. Il est né surtout parce que, vingt ans après la disparition brutale de l’« Émeraude », on semble avoir oublié la catastrophe et, beaucoup plus encore, l’un des hommes qui contribuèrent le plus à donner à la France un potentiel aérien de première importance. La guerre a passé, avec ses tristesses et ses abominations, creusant un fossé entre la période de grande gloire de Maurice Noguès, et ce nouvel après-guerre. À de nombreuses reprises, des écrivains ont conté les prouesses des plus grands noms de l’aviation. Ils ont largement contribué à faire connaître l’action des plus purs pionniers. Mais, dans cette avalanche de gloire, un homme est resté inaperçu, parce que sa modestie, jointe à son horreur de la publicité, l’a fait oublier. Seuls, de temps à autre, ceux qui l’avaient connu, exprimaient — soit dans la presse, soit dans des correspondances — leur peine ou leur admiration, selon qu’ils déploraient sa perte, ou qu’ils louaient ses mérites. Et lorsque j’ai mieux connu tout son passé, lorsque j’ai su que je pouvais entreprendre de raconter sa carrière glorieuse, je n’ai pas hésité. D’un cœur ardent, je me suis mis à la tâche, fermement décidé à jeter la lumière sur cette grande figure. Je ne l’ai pas connu, soit, mais le recul des années est bien fait pour assurer l’objectivité des biographes, et seules les figures les plus nobles se détachent sur la grisaille du passé. Que celui qui lira ces lignes, médite un instant pour se rappeler, s’il l’a oublié, qui était Maurice Noguès. À l’heure où nos forces d’Outre-Mer demandent les renforts qui leur sont nécessaires, que l’on n’oublie pas la part du créateur de la ligne France-Extrême-Orient, dont nous apprécions tant l’existence, maintenant que la France pleure un Empire prêt à mourir. Sans Noguès, peut-être chercherions-nous encore les étapes pour jalonner la route. Rien n’est plus difficile qu’une biographie. C’est avec respect, que j’assure aujourd’hui la tâche de faire revivre un disparu, d’exalter ses qualités innombrables, de glorifier son œuvre. Il est vain de s’attarder sur les regrets que sa perte a causés, seul compte son exemple. J’ai pris le soin le plus grand, pour conserver à chaque événement son caractère d’authenticité, je n’ai avancé aucune hypothèse qui ne fut aisément vérifiable, car seule la vérité garde sa force probante. Aussi, est-ce avec l’espoir avoué de rendre à Maurice Noguès l’hommage qu’il mérite de tous, que j’entreprends de raconter sa vie telle qu’elle fut. Corbigny, le 13 mai 1954, Émile Taillefer