« Je ne souhaite à personne d’être incarcéré à l’autre bout du monde ! » A ce vœu d’une avocate du barreau du Havre le lecteur répondra sans doute en lui-même : « Mais même si c’était au-delà de l’Oural, pourquoi voudrait-on que je sois inquiété ? Encore faudrait-il être coupable ! » A voir... L’homme que défend cette avocate, Dzhamal, né sur les pentes du Caucase, est devenu marin à l’âge de 16 ans. Il navigue alors à partir d’Odessa. En novembre 1992 — il a 31 ans —, il est matelot sur le tristement célèbre M. C. Ruby : à l’escale du Havre, on apprend avec effroi le meurtre, sur ce bateau, de huit passagers clandestins. C’est un rescapé, par miracle, qui raconte tout. Six marins sont très vite inculpés. Dzhamal fait partie du lot. Commencent alors trois années de détention préventive au cours desquelles il ne cessera de clamer son innocence. Les autres inculpés, ukrainiens, le disculpent. Mais, à part trois semaines de liberté provisoire, il reste derrière les murs de la prison et les barrières des langues. Au-delà de son histoire, est posé tout le dilemme du monde des marins confronté aux graves problèmes de migrations entre pays pauvres et pays riches, ainsi que le drame, dans de telles situations, de ressortissants de minorités ethniques. C’est encore la nuit sur les neiges du Caucase.