Après les Contes de Poindi, À bord de l’Incertaine, Le dernier Voyage du Thétis et La Conquête du Séjour paisible, etc., Jean Mariotti nous donne aujourd’hui Daphné. Dans cet ouvrage, on retrouve le souci d’accorder le mode d’expression à la matière du récit. Il serait vain de vouloir résumer Daphné en quelques lignes. On peut, cependant, sans trahir l’auteur, ni déflorer l’œuvre, penser que le lecteur sera pris, tout d’abord, par l’atmosphère dramatique, l’odeur de mystère, qui entourent la trop belle Daphné. Peut-être sera-t-il entraîné à la suite des navires qui disparaissent mystérieusement, ou bien s’arrètera-t-il à l’hallucinante figure du « chercheur » ? Mais le véritable drame est ailleurs. Pour le lecteur attentif, les voiles successifs se lèveront un à un et, par delà les apparences, se fera la révélation véritable. Voici une œuvre étrange, ce n’est pas un roman psychologique, pas un roman d’aventures non plus. On a l’impression que le narrateur du récit subit une sorte d’envoûtement, qui le contraint à restituer, pour nous, la somme des expériences, parfois hallucinantes, qu’il a vécues en ses fibres. En cet ouvrage encore, Jean Mariotti a su se garder de l’anecdote pour aller droit son chemin. On y retrouve les belles qualités de style de l’auteur des Poindi et de À bord de l’Incertaine, mais avec un accent nouveau, plus de maturité, et souvent une sobriété qui est signe de maîtrise. Cette œuvre originale, d’un accent bien particulier, a une saveur et un parfum étranges. Certaines pages ont une sorte de puissance hallucinatoire, d’autres une nostalgique douceur, comme si, pour nous, s’ouvrait « la fleur des ténèbres », mais ce qui frappe surtout, c’est le ton particulier d’un récit qui éveille en nous tant d’émouvantes résonances.