Il faut commencer par reconnaître une vérité qui peut sembler au premier coup d’œil un étrange paradoxe. La langue française, qui a fait un si beau chemin dans le monde, n’en est pas moins l’une des plus mal construites de toutes celles qui se parlent aujourd’hui en Europe. Composée d’éléments très divers qui se sont amalgamés lentement et d’une façon assez incohérente, elle a grandi comme au hasard, sans obéir à ces lois constantes, invariables qui ont présidé au développement des idiomes anciens. Il ne lui a pas fallu moins de huit siècles pour se former, et durant cette longue période elle n’a fait que perdre en logique ce qu’elle gagnait en richesse. Pareille au barbare qui vit de rapine avant de défricher le sol où il va se fixer, elle a pris de toutes mains; elle a fait des incursions tantôt au nord, tantôt au midi, s’éloignant toujours de ses origines, dont elle semblait n’avoir nul souci. Dès que l’invasion romaine implante dans les Gaules la civilisation latine, le germe de la langue future est déposé sur cette terre encore inculte. Il y aura pour un temps deux langues, l’une qui se parle, l’autre qui s’écrit; la langue des indigènes, venus eux-mêmes des plateaux de l’Asie, et la langue des conquérants apportée de Rome. La première est profondément enracinée dans le cœur des peuples qui s’en servent : elle représente pour eux la liberté, le culte traditionnel, elle rappelle à ces hordes émigrantes le souvenir des lointaines régions qui furent leur berceau; mais elle demeure flottante au milieu d’elles, l’écriture ne l’a pas fixée, elle n’a pas cette forme précise et arrêtée qui parle aux yeux. La seconde au contraire, organe d’une civilisation complète, possède cette qualité précieuse; de plus elle a des mots pour exprimer dans ses diverses parties tout ce qui se rapporte à une société constituée sur une large base; elle est comme l’image de l’administration romaine si puissante dans son ensemble. Cette langue latine, si solidement construite, les légions de César la promèneront d’abord à travers les Gaules; puis elle se fixera dans ces camps retranchés qui formaient des villes temporaires avec leurs bains, leurs théâtres, leurs temples. Enfin, quand des cités sont bâties, elle s’y établit, s’y consolide et commence à se répandre au dehors par l’influence des dominateurs. Plus tard, la religion chrétienne viendra en aide à la langue des Romains; elle achèvera cette conquête laborieuse, souvent interrompue, toujours menacée, qui avait coûté tant de sang aux maîtres du monde, et lorsque les Gaules, émancipées du joug qu’elles ont impatiemment supporté, se détacheront du vaste empire dont elles formaient une province, la langue latine sera partout comprise et partout parlée...
Editeur : Editions Homme et Litterature
Publication : 16 mai 2022
Edition : 1ère édition
Intérieur : Noir & blanc
Support(s) : Livre numérique eBook [Mobi/Kindle + WEB + ePub]
Contenu(s) : Mobi/Kindle, WEB, ePub
Protection(s) : Marquage social (Mobi/Kindle), DRM (WEB), Marquage social (ePub)
Taille(s) : 933 ko (Mobi/Kindle), 1 octet (WEB), 292 ko (ePub)
Langue(s) : Français
Code(s) CLIL : 3377, 3442
EAN13 Livre numérique eBook [Mobi/Kindle + WEB + ePub] : 9782384690961
Dominique Lhuillier-Martinetti
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