« Quand on est dans un pays, encore faut-il s’instruire un peu de ce qui s’y passe. Que diraient le docteur Roux et le cher Baron, si des mille et une questions qu’ils ne manqueront pas de me faire, je ne pouvais répondre à une seule ? Épargnons à mes amies le reproche déplacé d’avoir occupé tous mes moments, et préparons à quelque malheureux que ses infirmités conduiront à Bourbonne une page qui puisse lui être utile.
J’allai à Bourbonne le 10 août 1770, après avoir donné quelques jours au plaisir de revoir mon amie, madame de Meaux, qui avait accompagné là sa fille malade d’une énorme obstruction à un ovaire, suite d’une couche malheureuse, et reçu les adieux de mon ami, M. Grimm, avec lequel j’avais fait le voyage de Paris à Langres et qui m’avait précédé de quelques jours à Bourbonne ; tandis qu’une mère tendre s’occupait de la santé de son enfant, le philosophe allait s’informant de tout ce qui pouvait mériter sa curiosité. Disons d’abord un mot de la malade qui m’intéressait le plus. En très peu de temps l’usage des eaux en boisson diminua presque de moitié le volume de la partie affectée. Le docteur Juvet chantait victoire ; et si madame de Prunevaux ne s’en retourne pas tout à fait guérie, peut-être n’est-ce pas la faute des eaux dont le succès dépend quelquefois d’une grande tranquillité d’esprit.
Mon père a fait deux fois le voyage de Bourbonne ; la première, pour une maladie singulière, une perte de mémoire dont il y a peu d’exemples. Quand on lui parlait, il n’avait aucune peine à suivre le discours qu’on lui adressait : voulait-il parler, il oubliait la suite de ses idées, il s’interrompait ; il s’arrêtait au milieu de la phrase qu’il avait commencée ; il ne savait plus ce qu’il avait dit, ni ce qu’il voulait dire, et le vieillard se mettait à pleurer. Il vint ici, il prit les eaux en boisson ; elles lui causèrent une transpiration violente, et en moins de quinze jours il reprit le chemin de sa ville, parfaitement guéri. Ni sa fille qui l’avait suivi, ni son fils l’abbé, ni ses amis ne purent lui faire prendre un verre d’eau de plus que le besoin qu’il crut en avoir. Il aimait le bon vin. Il disait : Je me porte bien ; j’entends vos raisons ; je raisonne aussi bien et mieux que vous ; qu’on ne me parle plus d’eaux ; qu’on me donne du bon vin : et quoiqu’il eût la soixantaine passée, temps où la mémoire baisse et le jugement s’affaiblit, il n’eut jamais aucun ressentiment de son indisposition. »
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Editeur : BnF collection ebooks
Publication : 2 décembre 2021
Edition : 1ère édition
Intérieur : Noir & blanc
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Contenu(s) : ePub, Mobi/Kindle, WEB
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Langue(s) : Français
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EAN13 Livre numérique eBook [ePub + Mobi/Kindle + WEB] : 9782346147663
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Marius Bouscayrol, Émile Debard
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