Texte intégral révisé. Biographie de Jean Genet, auteur de "Les Bonnes", "Querelle de Brest", "Journal du voleur", "Notre-Dame-des-Fleurs" et "Miracle de la rose". Si Jean Genet nous entraîne dans un monde secret, maléfique, tout à la fois obscur et resplendissant, qui est le sien et qu'il désigne comme l'envers de notre monde, il ne cesse de s'adresser à nous, de regarder vers notre monde. S'il conteste et désire notre monde, s'il parle au lecteur comme à un ennemi et à un frère, ces attitudes ne sont pas successives, mais simultanées, comme le prouvent ces deux phrases du Journal du Voleur: "Je décidai de vivre tête baissée, et de poursuivre mon destin dans le sens de la nuit, à l'inverse de vous-même et d'exploiter l'envers de votre beauté". "Par ces bouquets (fleurs volées qu'il déposait en offrande dans les églises) je ne cherchais pas à me rendre propice un saint ni la Sainte-Vierge, à mon corps, à mon bras, je voulais donner l'occasion d'attitudes d'une conventionnelle beauté, capables de m'intégrer dans votre monde". Or, même si Genet rêve de s'intégrer à notre monde, même s'il y est intégré aujourd'hui, la célébrité étant sa rédemption — du moins en apparence et pour nous — le monde qu'il nous impose et dont, selon le mot de Sartre, il nous fait complices, est bien le sien. Il nous fait complices, non spectateurs puisqu'il nous introduit dans cet univers de la pègre, des prostitués, des voleurs et des criminels où les témoins sont gênants, où la notion de complicité remplace obligatoirement celle de communauté.