En septembre 2021, j'ai travaillé à un recueil jailli d'une rage impuissante face à l'état du monde et ses évolutions, m’efforçant de faire entendre la voix blanche et imprécatrice du psalmiste. Puis, à partir de janvier 2022, écrasé par la charge négative que l'écriture de ce livre véhiculait, j'ai éprouvé le besoin impérieux d'en écrire l'envers, ou le complément, et ce sont les poèmes de Matière de monde qui ont surgi. Il me fallait écrire la beauté inouïe du monde, celle de ses paysages, me tisser subjectivement en lui pour le rendre présent à travers le prisme d’une vie humaine, et faire sentir au lecteur, par la consonance de tous les registres, combien ce que nous détruisons est précieux. Ce recueil n'est donc pas une « célébration » (au sens solennel où Saint-John Perse entendait ce mot), car je l'ai voulu intime et familier, afin de donner au lecteur cette sensation d’intimité avec chacun des éléments du monde et de rendre ainsi palpable et déchirante l’éventualité de sa disparition.