L’histoire que l’on raconte ne tient guère dans les mots. Car c’est un conte, et drolatique : on y vit d’humour et de mort. La vie obsède. La mort fascine. La mer est là. Le ciel s’en va à la dérive, poussant ses grands nuages. Le ciel, l’incroyable ciel, là-bas, tranquille comme un ange saoul, qui voyage entre les étoiles avec cet équilibre dément, cette magique sûreté qu’ont les ivrognes à bicyclette. S’il est important de savoir si les mouettes charrient les âmes des morts, il est plus important encore de connaître le poids et le prix de l’amour, du rêve, de la solitude ; et il est plus important aussi d’éprouver le choc irréversible des rencontres. Celle de Dan Lerret pour le héros est décisive ; l’aventure de Dan Lerret (démesure et douloureuse tendresse), ne peut pourtant le concerner que par contrecoup : il n’est pas tant fasciné en effet par son génie d’escroc que par sa filiation, la figure ricanante de son grand-père — car toute famille, pour qui n’en a pas ou plus, est légendaire. Mais ce qui, plus encore, fait le prix du « Ciel qui Voyage », c’est une écriture d’une étonnante sensibilité, parfois maladroite encore, mais souvent neuve, et toujours inspirée. Alain Magrou, qui sait être à la hauteur de sa vision, est d’ores et déjà un écrivain en marge, mais aussi, par son lyrisme, un véritable artiste de notre temps.