De passage à Paris, j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux Algériens, notamment des étudiants fort affectés par les événements qui secouent leur patrie. Tous se posaient les mêmes questions sur le coup d'État, l’interruption du processus démocratique, l’assassinat de Boudiaf, les perspectives d’avenir sur le plan politique et économique. L’un d’eux m’a demandé avec insistance de publier mon témoignage. J’ai accédé à sa demande et me suis mis à transcrire une partie de mes notes dans cet ouvrage que j’ai intitulé « La Hogra ou l’humiliation du peuple Algérien ». Le mot « hogra » est une expression dialectale algérienne qui n’a pas d’équivalent en arabe littéraire et est intraduisible en français. La « hogra » exprime une philosophie, celle du pouvoir issu de l’argent, de la force des muscles ou de celle des armes. Le mot « hogra » peut s’employer lorsqu’une personne jouissant de sa terre, de sa maison, de ses enfants, de son argent, est dépouillée par la force d’une partie ou de la totalité de ses biens ou de ses droits. Le peuple algérien a incontestablement fait l’objet d’une « hogra », le 11 janvier 1992, lorsque la force des armes l’a frustré des fruits de sa victoire, celle de la liberté, et a rétabli un système qui avait été vaincu pacifiquement par le verdict des urnes.