Deux sœurs, Eva, 22 ans, belle (et chargée de plus de mystère que sa beauté ne le laisse entrevoir), et Julie, 23 ans, cachant derrière un physique ingrat une nature passionnée. Nous les rencontrons, à l’époque de l’occupation, dans le studio parisien où elles vivent ensemble. Si des préoccupations différentes les requièrent, des souvenirs communs les habitent : même enfance, même jeunesse dans le même lieu, une grande demeure campagnarde, « La Charmière », son parc, ses bois. Et pourtant, l’une garde de ce temps le souvenir d’un rêve enchanté, l’autre, celui d’un cauchemar. C’est que la mémoire d’Eva possède un grand pouvoir d’idéalisation, celle de Julie, d’un grand penchant à la dramatisation. Le roman les découvre pendant les années noires, en pleine jeunesse. Lorsqu’elles évoquent leurs parents, tués par un bombardement, leur grand-mère morte, les familiers de « La Charmière » détruite par la guerre, les domestiques, elles en font un portrait totalement différent. Quel était-il en réalité ? Le saurons-nous jamais ? Quant au présent, qui sera bientôt du passé, Julie n’en tire qu’une raison de plus à son désir de mourir, tandis qu’Eva y puise sa joie de vivre. L’une est bien fille de l’ombre, l’autre, fille du soleil. Sans cesse, Julie se réfère à des traumatismes affectifs et sexuels qui ont modifié à jamais son ardente nature. Aussi ira-t-elle, par l’excès même de sa passion, jusqu’à commettre un acte infâme. Leur mère les appelait « les inséparables ». Et c’est si vrai qu’elles le resteront en dépit de tout jusqu’au bout de leur route. Les lecteurs et lectrices de Michèle Saint-Lô connaissent son pouvoir de recréer la vie intime des êtres avec toutes leurs implications humaines, psychologiques, sociales, sans rien négliger de leur dualité, des beautés et des laideurs qu’ils recèlent. Ils retrouveront dans « Les inséparables » toute sa chaleur humaine, toute sa finesse, toute sa pénétration.