"Quand la lourde main qui s’appliquait sur ses yeux a desserré son étreinte, Bethsabée est demeurée un instant comme aveuglée. Puis, ayant recouvré ses esprits, elle a failli ne pouvoir étouffer l’exclamation de surprise et de terreur qui lui montait aux lèvres : Buchmann ! Gottfried Buchmann… C’était lui, elle ne pouvait en douter. Cette cicatrice qui, partant du coin droit de sa lèvre inférieure, descendait sous la forte mâchoire et allait se perdre sous le col, donnait à l’homme un rictus permanent, cynique et cruel. Buchmann ! L’alter ego du fameux Otto Brandi trouvé pendu dans sa cellule, l’homme au trésor, l’ancien nazi dont le nom était porté sur toutes les listes de criminels de guerre et qu’aucun service de contre-espionnage n’avait jamais pu découvrir ! Robin, lui, avait été mis sur sa piste. Il en avait fait la description, une fois, juste avant de… Mais où était-elle ? Dans un navire, à coup sûr, bien qu’elle n’entendît aucun bruit autour d’elle, qu’aucun roulis, aucun tangage ne se fissent sentir, ni même la monotone vibration de la machine. On ne pouvait cependant s’y tromper : cette pièce minuscule, juste assez large pour tenir une étroite couchette, cette cloison incurvée… Et, cependant, cette absence de tout bruit, de tout mouvement, cette atmosphère oppressante… L’homme qui se tenait assis, immobile et muet, sourit. Et ce sourire accentua l’affreuse cicatrice…"