L’admirable privilège de l’écrivain est ce pouvoir qu’il a de passer d’une destinée à une autre, et de recommencer une vie dans des conditions nouvelles. Salvina Vidas a vécu ce privilège ! En osant écrire sa vie comme un roman, ceux qu’ils l’ont connue entre l’Alsace et la Côte d’Azur tout au long de sa vie, poseront désormais un regard plein de tendresse sur la petite « Spasenka ». Yougoslavie. Les années cinquante. Les communistes viennent d’investir ce pays neuf, crée après la Première Guerre Mondiale, agglomérat artificiel de contrées morcelées, appelé les Balkans. Dans ce tourbillon d’idéalisme exalté, de patriotisme outrancier et de rêves glorieux, Spasenka, la petite croate, vient d’avoir seize ans. Sur sa petite île de l’Adriatique, la vie s’écoule paisiblement depuis bien des générations, préservée des tourments du continent. Rien ne laisse présager que cela pourrait changer… Pourtant, beaucoup de jeunes se sont déjà enfuis de son village et l’hémorragie s’amplifie au fur et à mesure que les jours passent. « Ils fuient le communisme », lui expliquent, à mots couverts, les gars que l’adolescente questionne. Elle, elle ne sait pas ce que c’est, le communisme… Puis, elle le rencontre… Il a pour nom Savo, le « camarade », le continental, l’étranger, qui vient s’approprier l’auberge de sa mère et qui s’estime avoir le droit de lui faire des avances, à elle, et certainement à d’autres… Elle comprend alors… Et elle décide de quitter sa terre, avec sa famille, au plus vite… « Où aller pour s’établir définitivement ? Aux États-Unis avec Papa, en Australie avec Djamal ? » Cruels choix pour une jeune femme à peine sortie de l’adolescence… Elle va s’y brûler les ailes, tel le papillon qui retombe à terre, blessé…