Inquiet, Julien de Cerf s’interroge avec lucidité, dans ces poèmes ou ces récits, sur l’existence et le devenir de l’homme. La comédie du masque, la relation avec la famille, avec la ville insupportable, l’aliénation dont l’excès même incite les plus sensibles à s’arracher au conditionnement humain et terrestre, sont quelques-uns des thèmes de cette œuvre. Par le truchement de l’écriture en fièvre, tout se passe comme si l’auteur se livrait à une véritable psychanalyse dont il serait à la fois le médecin et le patient. Il n’en peut plus de subir « la pathologie de la normalité » qui n’aboutit qu’à la régression. Mais le poète « pendu à la corde de la culture », dévoré par l’entourage et le métier, trouve des issues : le désir ou l’amour de la femme finit par s’accorder avec la vision d’un retour à la pureté originelle. « Je saurai dérober à mon hérédité la force de lui résister » dit magnifiquement le poète, tenté aussi par des hypothèses d’humour ou de science-fiction. « Je descends de l’avenir », lance-t-il. Par une sorte de voyage cosmique intérieur il découvre la certitude d’un absolu moral qu’on peut atteindre. Une écriture drue, des formules percutantes, l’alchimie de hautes images, font du « Destin arraché » un livre dont on se souvient, écartelé qu’il est entre la violence et la tendresse humaine.