Quand l’avion roula sur la piste de Hanéda, près de Tokyo, dix ans venaient de passer depuis mon dernier séjour. Aujourd’hui, les douaniers chevelus. Dans le ciel japonais les grands sigles rouges. Après quatre années de feu de bois loin de Paris, des villes, je foulais le bitume de Tokyo comme si rien ne s’était passé. Et c’était le même Japon sans réponses. Illisible Japon où j’avais vécu cinq ans. Les mêmes rues et pourtant des gratte-ciel, et toi affronté à tes images, toi. « Anata daré ? » Toi, qui es-tu ? Les déambulations à travers ces énormes coulisses de télévision, dix ans plus tard, hier encore. L’échappée du temps. En flâneur, pèlerin du déjà fui. L’impression d’avoir vécu par estampes dans une quelconque autre vie la fin d’une civilisation. Je n’entends plus le clac-clac des semelles de bois de Kyoto. Plus de geishas. Les vieux dieux de bois encerclés de HLM et, derrière l’ombre du vieux poète Takiguchi, des danseurs démoniaques du Dairakugakan, la présence décapitée d’un homme au ventre ouvert : Mishima. « Anata daré ? » Toi, qui es-tu ? Un voyage aux mirages du temps. Théo Lésoualc’h