Christiane Céalis déploie ici d’improbables souvenirs : son enfance possède une innocence feinte. Avec sa discrète et déchirante musique, pourquoi, dès lors, « Dents douces » nous envoûte-t-il ? C’est que le critère inoffensif de l’enfant sage permet l’exercice d’une fantaisie tragique, à travers un quotidien impressionniste. Derrière ce sommeil évoqué (qui sert d’abri à toute une population peinte de dahlias et de « suaires chiffonnés ») se trament des complots, couvent de lointains cauchemars. L’auteur sait l’art de décliner les vertiges, celui d’amener son lecteur, par de savantes gradations, jusqu’à cette région étrange où le sourire côtoie le désespoir. On appréciera chez Christiane Céalis la qualité plastique de l’écriture, habile à cristalliser le hiatus, l’originalité extrême et dense des images (chargées d’un poison qui contient en lui-même le pouvoir de guérir) et le féroce humour qui, souvent, perce sous l’étoffe des mots. C.B.