Résumé
« Nous voilà débarrassés de Proust », disait jadis Sartre en guise d’hommage à Husserl. À vrai dire, Hélé Béji n’en a jamais été embarrassée, non plus que de l’autre tradition où elle a été formée, c’est-à-dire la tentative d’épuration et de spiritualisation de la prose romantique engagée par Baudelaire et ses épigones - et c’est ce qui fait toute sa force. C’est ce qui lui permet d’être la femme d’un pas en arrière, en l’occurrence vers les temps classiques, dont cet « itinéraire » dans l’espace est la figure. Non que l’Orient, en tant que tel, alimente quelque fiction : à l’Occident, des lieux « occidentalisés » ne sauraient servir de métaphore. On ne trouvera pas plus dans ce livre que dans l’Œil du jour (1985) de mythe des origines, parce qu’il ne s’agit pas du tout d’origine, mais de provenance. D’une provenance présente comme passée dans la nature et dans les êtres pour autant qu’ils demeurent humains, et ainsi rigoureusement présente, intacte. Avec cet intact, la plupart trichent, et même la nouvelle médiocrité planétaire trouve dans cette tricherie sa modalité propre : contre le présent, en Europe comme ailleurs, la subjectivité tribale, « autonome », dégénérée, psychasthénique tripote en effet un mythe, le mythe de l’actuel et de l’« intime » comme réactualisation perpétuelle de son échec. De là la satire, de là surtout l’admirable inversion par laquelle la satire, chez Hélé Béji, ne frappe plus l’habitude, le préjugé, le passéisme, mais l’actualisme. Le fétichisme le plus redoutable contrefait le présent et convoite l’anecdote absolue, celle qui assurerait à la vie et à la littérature - qu’on pense au Nouveau Roman - son « fond » sans fond. Là-contre, Hélé Béji, sans céder jamais à la tentation néoclassique, dresse une Forme plastique, insistante, despotique, et pourtant toujours fluide et délicate par la grâce de sa modestie et de sa dérision féminines. Cette Forme est plus qu’un style - la primauté juridique du regard pour l’humain. Elle exprime l’être-au-monde d’une pensée insomniaque, c’est-à-dire solitaire et vigilante - observante, discernante, considérante. Mais le plus beau, l’indicible pourtant dit est le tressaillement suprasensible où cette pensée déborde et se ressaisit : « Un tressaillement de haine ou de miséricorde ? Un bruit gratte aux fenêtres, sans doute les mouvements encore invisibles de la nouvelle saison, un tourbillon particulier du vent, un dernier craquement du froid. La nouvelle saison flotte autour de l’ancienne dans un fragile affleurement d’enthousiasme, une harmonieuse anarchie de murmures d’herbes fondant comme des arômes de bouquet garni dans le feu doux d’une cocotte ». E. Martineau
Caractéristiques
Editeur : FeniXX réédition numérique
Publication : 1 janvier 1991
Support(s) : Livre numérique eBook [ePub], Livre numérique eBook [PDF]
Protection(s) : Marquage social (ePub), Marquage social (PDF)
Taille(s) : 389 ko (ePub), 30,3 Mo (PDF)
EAN13 Livre numérique eBook [ePub] : 9782402045551
EAN13 Livre numérique eBook [PDF] : 9782402378888
EAN13 (papier) : 9782907695510