Huit hommes pris pour otages sur le bord de la route ont été condamnés par l'occupant allemand à être fusillés le lendemain à l'aube. Ce sont peut-être moins les circonstances qui comptent, que la nuit qu'ils vont passer ensemble à attendre. Le beau roman de Gabriel Delaunay, c'est d'abord cette nuit, ces huit nuits faites d'images du passé, de moments de colère ou de révolte, qui se mêlent de façon propre à chacun et incommunicable. Car chacun de ces huit hommes, professeur, contrebandier, fou évadé, anarchiste espagnol, commerçant parisien, cultivateur de Flandre, etc., est seul avec ce qu'il a cru ou refusé, avec ce qu'il a connu ou rêvé et qui faisait qu'il vivait. Seul enfin avec ce que, dans quelques heures — 4, 3, 2, 1... —, on va lui prendre, sans lui dire pourquoi. Alors, chacun parle à lui-même plus qu'aux autres, comme si, au dernier moment, les mots, les gestes, ce qui traduisait et manifestait l'existence, devenaient sans objet. Une cloche sonne les heures, une chandelle s'éteint peu à peu, l'angoisse devient déchirante, insupportable et, brusquement, le jour pointe... C'est la minute de vérité, qui ne sera pas sans surprises. Nul ne sait le jour, mais est-ce le jour qui importe ?... L'auteur de Toute honte bue et de La nuit sans aube nous parle, une fois de plus, avec cette voix mesurée, pure, qui sait faire une musique des cris les plus douloureux de l'homme. Au-delà du fait divers, ce livre attachant exalte ce qui en nous est plus fort que la mort, et laisse transparaître le visage fraternel d'un être tout d'inquiétude et de raison.