Résumé
La façon dont les secrets chahutent les règles de la communication, dans les sociétés traditionnelles africaines, permet d'avancer que l'oralité — qui les caractérise en partie — n'est pas forcément source et garantie d'égalité. Tout comme l'écriture, la parole se prête à des accumulations, à des confiscations, à des dissimulations et à des suspensions. Elle rentre dans des stratégies de domination et des exercices de pouvoir. Elle se distribue hiérarchiquement en raison inverse de son utilisation : c'est dire, en somme, que tout gain de pouvoir se traduit par un gain de silence, par la mise en œuvre de mécanismes de pondération, de temporisation et de rétention de la parole et des discours. La réalité sociale et culturelle des sociétés lignagères n'a pas cette transparence que lui confèrent les discours ou les théories locales, qui paraissent fonctionner sur le mode du singulier-pluriel : on parle de quelques-uns pour tous, on parle à ceux dont on ne parle pas ; ou, selon une loi du silence : discours qui ne disent ce qu'ils disent que d'une manière tendant à prouver qu'ils ne le disent pas. Que ces discours occultent ou masquent les contradictions, les rapports de force et de domination, cela ne fait aucun doute, mais ils en sont également, par ce qu'ils taisent et du fait même qu'ils le taisent, la description. En s'interrogeant sur le statut de la parole, sur les conditions sociales de production et de reproduction des discours, sur les modes de légitimation et de transmission des savoirs — cela à partir d'études de cas qui enrayent les processus de communication sociale (secrets cynégétiques, secrets initiatiques, prestations de serment) — cet ouvrage se propose de jeter les bases d'une sociologie du non-dit, ou plutôt du non-dire, et de dégager les principes d'articulation entre structures de codification, de communication et de subordination.
Auteur
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Jean Jamin est né en 1945, à Charleville-Mézières (Ardennes). Après avoir suivi des études de philosophie, de sociologie et d'ethnologie à la Sorbonne, des études d'ethnobotanique au Muséum national d'histoire naturelle, il a été successivement : enseignant, chargé de recherches à l'ORSTOM, chargé d'études à la SEDES (Société d'études pour le développement économique et social), au BIPE (Bureau d'information et de prévisions économiques) ; fonctions qui l'ont amené à travailler aussi bien en Afrique (Nord-Côte d'Ivoire) qu'en France (Ardennes, Rhône, région parisienne). Il poursuit actuellement - au Muséum (laboratoire d'ethnologie du Musée de l'Homme) - des recherches sur les rites de passage et les sociétés secrètes.
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Marc Augé est ethnologue, directeur d'études en sciences sociales à l'Ecole pratique des hautes études. Après de longues années sur le terrain, il a décidé de se pencher sur nos sociétés. Il a notamment publié La Traversée du Luxembourg (Hachette, 1985), Le Sens des autres (Fayard, 1994), Fictions fin de siècle (Fayard, 2000) et Pour quoi vivons-nous ? (Fayard, 2003). La Mère d'Arthur, son premier roman, est paru chez Fayard, en 2006photo : © John Foley
Caractéristiques
Editeur : La Découverte (réédition numérique FeniXX)
Publication : 1 janvier 1977
Support(s) : Livre numérique eBook [ePub]
Protection(s) : Marquage social (ePub)
Taille(s) : 799 ko (ePub)
Code(s) CLIL : 3396, 3395
EAN13 Livre numérique eBook [ePub] : 9782348030017