3 mars 1958, six heures du matin : dans un douar des Aurès, Saïd, quatorze ans, est arrêté par des soldats sur le chemin de l'école. Pour obtenir des renseignements, tout est bon, et quelques heures plus tard, l'enfant fera connaissance avec la gégène. On essaie de le faire parler, puis on le garde prisonnier, serviteur, laveur de vaisselle, porteur lors des opérations, mouchard à son corps défendant, protégé aimé même par certains, martyrisé par d'autres. De sa famille il ne reverra qu'un frère : mort, parmi les cadavres des fells anonymes. Pendant quatre ans, il va connaître cet enfer de vivre, traître malgré lui, dans la violence quotidienne d'une petite garnison. Complètement dépourvu de manichéisme, ce récit terrible — mais sans amertume — de la pacification française ne manifeste aucune complaisance pour les atrocités commises par les combattants de l'indépendance algérienne. La guerre vécue, la guerre soufferte par l'innocence d'un enfant la sauvagerie de la guerre déferlant, sans témoin gênant, sans retenue, sur un village, des campagnes foudroyées, voilà le sujet de ce livre qui se clôt par l'exil, au départ de Bône, en avril 1962 : Contemplant pour la première fois la mer après avoir tant rêvé d'elle, j'aurais dû être émerveillé mais rien ne m'intéressait que cette terre, ce paysage que j'abandonnais. J'avais l'âge des rêves, de l'espoir et des projets et j'avais vécu le cauchemar, le désespoir et le découragement. Saïd Ferdi, à dix-huit ans, en 1962, n'eut d'autre ressource que de choisir le départ en France et l'incorporation dans l'armée. À trente-sept ans, il est aujourd'hui à la retraite.